Translate

vendredi 12 février 2016

Retrouvailles avec Luis

01 Décembre


Nous adoptons dès le départ un rythme très lent qui m’inquiète pour la suite. Ramón est de plus en plus fatigué mais Géronimo et moi, sommes trop chargés pour soulager son sac. Qu’en sera-t-il de la suite ?
Chaque pause est cependant mise à profit par Ramón pour transmettre à Geronimo les points de repères qui facilitent la progression ou simplement l’autorisent lorsque les bosquets recouvrent la tourbe. Emouvante passation d’un savoir non cartographié.

Transmission des indices
La matinée est fraiche et humide. Je peine à me réchauffer et lorsque nous nous arrêtons à la mi-journée, le feu n’est pas long a être allumé. Le bois où nous nous réchauffons a servi de poste avancé aux forces argentines au cours du conflit du Beagle (1978) avec le Chili. Un panneau de bois pourrissant sur le sol est le dernier vestige avec quelques fils de fer, de ces tensions ayant précédé la guerre des Malouines. En plus de se battre pour des coins de déserts, les Hommes ont aussi parfois le don de se battre pour du vent…

Autour d'un feu, tout va mieux !
La soupe, le maté et quelques gorgées de Fernet Branca allongé de coca font disparaître les dernières gouttes de pluie et permettent d’attendre confortablement que la mer se retire pour la suite du parcours. Lorsque nous reprenons notre route en effet, nous troquons les étendues de tourbe pour l’estran du canal de Beagle. Les galets roulent sous nos pieds mais la progression est beaucoup plus simple lorsqu’il suffit d’aller tout droit.

Sa livraison à Moat effectuée, le gaucho Luis nous rejoint dans l’après-midi. Le retour du soleil favorise une longue discussion dont profitent immédiatement les chiens pour entamer des rêves de chasse au taureau.
La progression reprend une demi-heure plus tard pour s’achever au rancho le plus austral d’Argentine. Puerto Rancho : 55° Sud.

Progression... hiérarchisée.
La soirée est magnifique et Geronimo prépare à l’extérieur un festin de spaghettis mariées à une énorme casserole de sauce : Carottes, oignons, ail et concentré de tomate, en quelques heures les provisions ramenées par Luis sont bien entamées.
J’aide comme je peux, à savoir modestement, la préparation de ce repas. Luis et Ramón poursuivent autour d’une brique de vin leur discussion amorcée sur la plage et les chiens reprennent le cours de leur sieste.

Belle soirée à Puerto Rancho.
J’ai beaucoup de mal à saisir toutes les subtilités de la discussion sur ce dernier hiver exceptionnellement enneigé. La transmission des informations malgré l’isolement, m’avait bluffé en mars, lors de ma précédente expédition. Au cours de cette soirée, je peux constater que l’ensemble des événements des derniers mois est consciencieusement passé en revue. Un monde de chiens, de chevaux et de taureaux. Les « histoires et racontars » de Jørn Riel sont nées des récits de trappeurs groenlandais et je regrette amèrement de comprendre si peu, les morceaux de vie de gaucho que j’entends ce soir-là et dont je rate une bonne partie. 

Île Nueva faisant face à Puerto Rancho

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Rappels historiques
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Conflit du Beagle et guerre des malouines : En 1978, les îles aux alentours du cap Horn (Lennox, Picton et Nueva) furent disputées entre le Chili et l'Argentine. Une guerre fut évitée in extremis grâce à une médiation du Vatican. Elles sont aujourd'hui chiliennes et le canal de Beagle une frontière très surveillée par les 2 pays. Sa traversée reste encore bureaucratiquement compliquée....
Quelques années plus tard en revanche, les îles malouines (sur la façade atlantique) furent le théâtre d'une guerre entre le Royaume Uni et l'Argentine et reste un sujet de tension entre les 2 pays....

Oui, c'est la loi, un bateau britannique ne peut pas accoster à Ushuaïa :)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire