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mercredi 18 mai 2016

Un petit récapitulatif

Du 04 au 07 Décembre


L’arrivée dans l’ancienne estancia est l’occasion de revenir sur les faits marquants de ces premiers jours dans la péninsule Mitre. Si je n’avais qu’une chose à retenir au quotidien, qu’une image.

 
04 Décembre


L’intimidante rive du rio Lopez. L’autre rive. Un autre monde.


05 Décembre


Les lacs Lola. Paradis austral.


06 Décembre


Rien n’est jamais facile... et certains jours, tout a décidé d’être compliqué.


07 Décembre


L’ancienne estancia Puerto Espagnol ou Aguirre.
Plusieurs décennies de tentatives d'implantation, mais c'est le vent qui décide, pas la volonté des Hommes.


samedi 14 mai 2016

Baie Aguirre.... Enfin !

07 Décembre


Le soleil est plus matinal que les taureaux et cela me convient très bien. Grace à la reconnaissance de la veille, je ne traîne pas trop pour sortir de la zone arborée entourant le rio Bonplan et poursuivre sous le soleil, ma progression le long des monts Lucio Lopez. 


Les pluies ont gorgé le sol d’humidité. Je patauge un peu mais au moins je vois où je vais. Quelques barrages de castors ralentissent à peine ma progression et en fin de mâtinée, l’odeur iodée remplace les effluves de lichen. J’y suis !

Que d'efforts et de chemin parcouru....
..... pour, enfin, fouler le sable de cette plage.











Le ciel change lorsque je parviens sur la plage de la baie Aguirre où plusieurs chevaux s’étonnent de ma présence et s’éloignent en soufflant bruyamment. La marée monte et je sais qu’il ne me faut pas trop traîner pour traverser le rio Bonplan.
Grâce au journal de Federico Gargiulo (*) et au point GPS transmis par Sergio Anselmino,(*), je trouve facilement le gué, ayant servi à leurs expéditions. A ce niveau d’eau, le rio ne m’oppose aucune difficulté.

Rio Bonplan, à marée basse.
Par rapport aux ranchos croisés précédemment, l’ancienne estancia Aguirre est une vraie maison. A l’époque, des jonquilles avaient même été plantées autour et donnent aujourd’hui un air de Pâques à ce début d’été fuégien.
A l’intérieur, une grande pièce en bon état abritant le poêle (fonctionnel), une grande table et une solide réserve de bois. Cinq petites pièces sont attenantes et plus ou moins dégradées. L’une de celle avec un bois de lit semble encore suffisamment étanche au vent pour laisser entrevoir une nuit confortable. Je ne suis pas long à prendre mes aises et déballer mes affaires avant de ressortir.

Séchage !! (sur la table, le mythique livre des visiteurs de la baie Aguirre)
Car si le temps n’annonce rien de bon pour les prochaines heures, je profite néanmoins du sursis pour un bain complet dans le rio Bonplan. En sortant de l’eau, totalement anesthésié, je trouve que la nudité des premiers fuégiens est finalement très bien adaptée car le vent me sèche en moins d’une minute. Je confirme cependant très rapidement qu’il fait encore meilleur, sec ET habillé.
En rentrant dans ma jolie maison, je fais un tour plus approfondi du propriétaire et trouve les provisions que l’expédition Gauchos del Mar m’avait laissées en mars dernier. Ce soir en plus d’un bon feu, j’aurais donc du maté ! J’ai également de la lecture, puisque les livres de Garguilo et Anselmino tiennent compagnie au grand livre des visiteurs, dont ils sont les plus importants contributeurs.  

Un peu de lecture... 10 ans après leur aventure, rien n'a bougé !  
La tempête s’abat en soirée dans la plus pure tradition fuégienne. Violente, glacée.
Dormir à l’abri est un vrai bonheur lorsque l’on entend ce qui se passe de l’autre côté des cloisons de bois. Je rêve d’ailleurs que je tiens ma tente contre les bourrasques et que la pluie s’y engouffre… Mais non, ce n’est pas un rêve. Même à l’abri, il pleut !
Je me lève en sursaut et réalise à la lueur de ma frontale que la toiture est percée et qu’un subtil cheminement de goutte à goutte achève sa course pile au-dessus de mon nez. Hasard !

Je détourne le bois de lit du filet d’eau, me sèche la tête, change de bonnet et bouchonne ma veste gore tex en un nouvel oreiller de fortune. Je ne risque pas de m’envoler cette nuit et les taureaux ne vont pas me déranger. Alors pas question de laisser trois gouttes me gâcher cette nuit de repos.

Que les tempêtes sont belles... du bon côté de la fenêtre. 

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En complément
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* Sergio Anselmino :
Photographe naturaliste et aventurier, Sergio effectue en 2004, la première et unique boucle intégrale et en solitaire de la Péninsule. Deux livres sur la faune du canal de Beagle et sur la Terre de Feu en ont été tirés. Il est retourné dans la Péninsule de nombreuses fois dont la dernière en 2015 comme guide de l’expédition Gauchos del Mar. Effectue en ce moment l'expédition Ecosistem America.






* Federico Gargiulo :
Guide arctique et antarctique ainsi qu’écrivain et éditeur, il effectue en 2005 avec deux amis la même boucle que Sergio (expédition Nomades por Mitre). Le journal de cette aventure est publié sous le titre « Huellas de Fuego" et à été traduit en français "Sentier de feu ». C’est à sa lecture que j’ai projeté d’aller à mon tour découvrir cette région.

lundi 9 mai 2016

Une journée compliquée...

06 Décembre



Le vent est tombé au cours de la nuit et, ce matin, le ciel est suffisamment bas pour comprendre que la route des cîmes aurait été fermée aujourd'hui. Ouf, j’ai bien fait de trouver le passage hier et de ne pas écouter la fatigue me proposant un bivouac aux lacs Lola. Ce matin la boussole et mes relèvements de la veille s’avèrent en effet indispensables pour ne pas errer en vain dans cette immense vallée.

Je plie tout en vitesse car je redoute l’arrivée de la pluie et à six heures quarante cinq, je suis en route. La progression se fait sur un tapis de mousses et lichens, chaque mètre carré étant à lui tout seul, un monde d’une incroyable diversité. Cette tourbière est relativement sèche et j’avance donc vite, un peu honteux cependant des frayeurs que j’occasionne chez les quelques oiseaux me voyant surgir de la brume.
Au fur et à mesure de ma descente, cette dernière se fait cependant moins épaisse et l’apparition du rio Bonplan (*) efface mes derniers doutes en matière d’orientation. Ce très bon rythme me fait espérer pouvoir atteindre la baie Aguirre le soir même et l’humeur est excellente. Mais l’euphorie est de courte durée.

La vallée du rio Bonplan
Aux mousses et lichens secs succède une tourbière très humide qui m’impose des trajectoires de plus en plus alambiquées et trempe des pieds, que les hauteurs rocheuses avaient presque permis de sécher. Puis la forêt, qui ne me manquait pas, fait sa réapparition. Encadrant la rivière Bonplan, elle me fait craindre une progression beaucoup plus difficile par la suite. Et mes craintes sont fondées….
Dans un premier temps, je slalome pour éviter les bosquets et retarder l’inévitable mais ceux-ci finissent par fusionner en une barrière végétale typiquement fuégienne. Sans doute pour rétablir l’équilibre de l’encombrement, le ciel se dégage alors et laisse le soleil réapparaître. Puisque les températures deviennent agréables, que la rivière est encore peu profonde et que l’humidité tourbeuse s’est infiltrée jusqu’au dernier recoin de mes chaussures, autant profiter de ce chemin liquide serpentant dans les arbres.
Plouf !
Et je ne suis pas le seul à choisir le sentier liquide...
A partir d’un gué, des traces de bovins et de chevaux apparaissent. Luis m’avait dit qu’il chassait parfois dans cette vallée et effectivement le sol me montre, une fois ou deux, la marque d’un fer de cheval. Le tranchant d’une hache est même à l’origine de certaines souches. Le bois coupé net, n’a pas son pareil pour rassurer car il m'indique que je ne suis pas perdu.
L'unique humain vivant dans cette péninsule est déjà passé là !
Extrêmement concentré, je tente de remonter cette pelote d’indices qui, je l’espère, m’amènera à la baie Aguirre. Malheureusement la succession de parcelles de vieux arbres arrachés par le vent crée un épuisant labyrinthe. Les anciennes traces sont recouvertes et c’est à nouveau l’incertitude dans les trajectoires, les reconnaissances qui n’en finissent pas et le danger de se retrouver au détour d’un tronc, nez à nez avec un taureau. Aucune bête sauvage n’a un instinct de Minotaure mais même involontairement (car je fais tout le bruit que je peux), croiser un animal paniqué et à cornes dans un espace réduit n’est jamais confortable...

Infernal...
En fin d'après midi, l’euphorie du début de journée est déjà loin lorsque de fortes pluies s'invitent. Après une première averse, je pose mon chargement au pied de grands lengas (Nothofagus pumilio ou hêtre de la Terre de Feu) protecteurs et pars en reconnaissance en espérant pourvoir sortir un peu de la forêt et évaluer la distance me séparant encore de la baie Aguirre. Après d’interminables zones d’arbres couchés, je parviens sur une colline d’où j’aperçois….oh joie ! ….. La côte.

Je préfère cependant bivouaquer que tenter d’arriver avant la nuit dans la baie. Je suis crevé, la pluie s’intensifie franchement et si le terrain reste aussi difficile, il me faudra une journée complète. Je retourne donc vers mon sac….. et les ennuis s’enchaînent.
De nombreux taureaux font en effet leur apparition et, afin d'éviter un dangereux face à face surprise, j’effectue un large contour des rives forestières du rio Bonplan. L’eau, a effacé mes traces et j’ai beaucoup de mal à me repérer lorsque je retrouve la forêt. Malgré mon GPS, dans lequel j’enregistre systématiquement la position de mon sac, je mets ainsi plus d’une demi-heure à le retrouver. Bien caché par la forêt protectrice, il est pourtant aussi mouillé à cœur que moi. Très digne cependant, lui ne grelotte pas…

Heureusement, la pluie s’arrête enfin. Je confie immédiatement à un feu, la mission de chasser les gouttes ayant traversée la canopée. Malgré son joli ronronnement, un autre événement va rapidement s’employer à me réchauffer. Au cours de la soirée, deux taureaux me rendent en effet une petite visite de courtoisie…
Je parviens heureusement à les chasser sans dommage mais, en plus de me coucher humide, je suis loin d’être serein pour m'endormir.
Une soirée humide...
La nuit résonne du meuglement sourd des taureaux. Dans un froid demi-sommeil, je me félicite d’avoir troqué pour cette expédition, ma traditionnelle tente rouge pour un très beau coloris vert… mais compte quand même sur la fumée de mon petit feu pour bien passer le message de ma présence aux bovins...

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En complément
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* Rio Bonplan : Baptisé par l’explorateur Julio Popper en hommage au botaniste français Aimé Bonpland (1773/1858). Ses expéditions en Amérique du Sud permirent la description de très nombreuses espèces végétales mais les argentins lui doivent surtout la découverte de la germination du maté et donc sa culture à grande échelle.
Sans maté que serait l’Argentine…… ?