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lundi 30 mars 2015

Etape 2

23 février



La flotte a fait son apparition en fin de nuit, ce qui n’a pas son pareil pour gâcher le réveil…
Couplée au vent, la pluie des hautes latitudes a, en effet, ceci de terrible qu’elle s’obstine à être horizontale et tout tremper à coeur. Les créneaux de séchage de la région peuvent être assez limités. Dès lors, préserver au maximum les affaires de l’humidité devient très vite une obsession, quand la météo fait sa capricieuse.
Les différentes ballades d’entraînement m’ont néanmoins permis de perfectionner des petites techniques pour tout faire à l’abri de la tente. Comme ce n’est pas aujourd’hui que je souhaite innover, je me prépare donc selon ce mode « terrier ». Bien sûr, c’est un peu plus long mais tout est rangé lorsque l’accalmie se pointe. J Une très bonne synchronisation avec le ciel !! 
Moins d’une minute plus tard, la tente extérieure est pliée et je suis prêt à partir.

Pati
Passant saluer Pati, celui-ci m’invite alors à prendre un maté pour la route. Ce dernier maté, fort, me file un coup de fouet pour la journée car j’ai l’odeur de foin dans les narines une bonne partie de la matinée J.

Rancho de Pati
Le début du trajet se fait sans histoire en suivant la plage de galets. Le vent est toujours fort mais tant qu’il soufflera vers l’Est, je l’aurais dans le dos. Une façon à chaque rafale de me dire : « Allez appuie un peu, le vent t’aide là ! ». 

Pile dans l'axe !
L’accalmie de ce matin est de courte durée et les averses reviennent bientôt. Heureusement vers 14h00, alors qu’il commence à faire vraiment moche, j’arrive à l’ancien rancho de Pati. Vidé au profit de l’autre puesto, son toit et ses murs sont encore en bon état et me suffisent amplement pour m’abriter des dégelés que l’après midi amène.
Encore en rodage articulaire et musculaire et sachant que je suis à plusieurs heures du prochain site permettant un bivouac agréable, j’ai en effet la ferme intention de préserver la machine et d’y poser mon sac pour la nuit.

Bon par contre, ce qu’il reste du poêle de fortune est inutilisable. Faut peut être pas trop pousser non plus ;)

Bon évidemment, lorsqu'on met le compte à rebours et que l'on court pour prendre la pose, tous les oiseaux s'envolent.....
La soirée est froide à cause de l’humidité et du vent violent dont le rancho est heureusement bien abrité. Armé d’un bon liophy chaud, je profite des accalmies régulières pour observer les oiseaux sans doute réfugiés là pour s’entendre piailler. L’élégance des ouettes à tête grise (Chloephaga poliocephala), ce qui n'est pas une contrepèterie, a clairement ma préférence à toutes les tapageuses de la famille des laridés.

Lorsque je rentre, je n’ai plus qu’à me blottir dans mon duvet et écouter la tempête au chaud. Une bonne journée qui s'achève.
...... et au sec !
Deux souris partagent avec moi le rancho cette nuit. Je m’inquiète un peu pour la nourriture mais les petits rongeurs sont bien trop occupés par un paquet de pâtes stocké dans une gamelle et dont le bruit du couvercle me certifie qu’il est une très bonne diversion. 

mardi 24 mars 2015

Etape 1 : Top départ

22 février 


            Après une de ces nuits où les rêves se consacrent surtout à faire et refaire le parcours, départ à 9h d’Ushuaia. Mon ami Gabi s’est très gentiment proposé de faire le chauffeur. Kévin français vivant à Ushuaia, sert quant à lui d’indispensable interprète. En effet, les phrases dépassent parfois 5 mots et 2 mimes.... et c'est toujours lorsqu'il faut faire passer une info essentielle ! 


Les 3 heures de route se passent sans histoire sur cette jolie piste "J" longeant le canal de Beagle. En arrivant à la Prefectura de Moat, je laisse Gabi expliquer le projet aux gardes-côtes. Le fait d’y être déjà allé, d’avoir un peu d'équipement et 40 jours de vivres permet d’obtenir facilement le feu vert via une confirmation radio de la Prefectura d’Ushuaia.

Une dernière photo pour la route !
13h00 : Après les dernières photos, enfin je pars !! Un peu nerveux et chargé au-delà du raisonnable mais heureux après ces mois de préparation. Quelques gouttes apparaissent mais cela ne dure que quelques minutes, histoire de marquer le départ et me rappeler que la météo sera dorénavant l'une de mes principales préoccupations. 

En s'éloignant de la Prefectura Moat
Pour ces premières heures le poids du sac m’oblige à faire de fréquentes et courtes pauses. J’arrive néanmoins en 1 heure à la balise de Moat et à partir de là c’est plein Est vers le Cap San Diego. Ce sera la mi-parcours et la sortie de cette très sauvage côte Sud. Si tout va bien, ce sera dans une vingtaine de jours...
Je retrouve les chevaux sauvages dès le premier petit ruisseau. Ils venaient sans doute me voir perdre cette anomalie pour un habitant de Mitre : "Avoir des pieds secs".
Rassurés par ma normalisation, ils reprennent ensuite leur paisible pâturage.



Vers 16h30, j’aperçois le premier rancho. En mauvais état il y a trois ans, il paraît avoir été rénové et même agrandi. Enfin c'est du moins ce qu'il semble à une colline de l'objectif.
Une meute de chiens m’accueille lorsque j’arrive à proximité me confirmant qu’il est effectivement à nouveau occupé. Je reconnais immédiatement l’homme qui sort de la hutte : Pati Vargas.

Pati, le célèbre puestero de Mitre ! Il m’invite à poser mon sac au chaud et nous commençons à discuter. « Discuter » est un bien grand mot car je ne comprends pas grand-chose de son espagnol affiné au grand air. Après quelques matés, j’ai l’honneur de pouvoir écrire sur la deuxième page de son carnet de visiteurs. Avant moi un seul paragraphe. Il a été écrit par Sergio Anselmino (traversée solitaire de Mitre en 2004 et plus récemment expédition EcosistemAmerica) et, si le vocabulaire est plus riche que le mien, il exprime tout autant l’admiration que nous avons tout deux pour Pati.
Pendant ce temps, les chiots et 3 ou 4 chatons font les cons autour du poêle. Instant magique ! 

La tente est ensuite plantée à proximité du rancho. Le vent ce soir a fraîchi. Après cette rencontre surprise avec Pati, il fallait bien retrouver un peu de normalité... 


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Lexique
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Gaucho ou puestero : Pour simplifier, on pourrait traduire par cowboy tant leur vie rude et solitaire ressemble aux épopées de la conquête de l’ouest.
Sur la côte Sud de la péninsule Mitre, ils sont 2 à vivre de manière permanente en exerçant le bagualeo (exploitation des bovins sauvages). Les jeunes bovins sont attrapés au lasso et débités sur place. La viande est ensuite chargée sur le cheval et troquée à Moat contre des vivres et du matériel. Un nouveau cycle solitaire commence alors. Ils leur arrivent également de dresser un cheval sauvage.

Maté : La célèbre infusion argentine. Bu dans une petite calebasse équipée d’une pipette métallique. On verse de l’eau chaude sur le tas d’herbes de Yerba Mate disposé dans la calebasse. On boit, on remplit à nouveau d’eau chaude et l’on passe au voisin. Les argentins en consomment beaucoup.

Prefectura : Base de gardes-côtes. L'Argentine possède un corps spécifique pour la fonction de garde-côtes (à la différence de la France où la fonction est assurée en multi-administrations : Marine Nationale, Affaires Maritimes, gendarmerie...).  

Rancho : hutte utilisée par les gauchos comme abri. Equipée d’un poêle (souvent constitué d’un demi-fut d’où part une cheminée bricolée) ainsi que d’un ou plusieurs lits.