05 Décembre
Ce matin, l’aube est splendide et
me permet de reprendre le chemin des cimes dès six heures. Si seulement, je
pouvais trouver un col !
Sur les crêtes... |
A partir de la petite vallée
surplombant la baie Sloggett et où j’ai passé la nuit, j’attaque la pente pour
rejoindre les hauteurs minérales. La montée est assez raide et mon chargement s’emploie
en plus à appuyer de tout son poids pour la rendre épuisante. Plusieurs heures
me sont ainsi nécessaires pour atteindre les crêtes plus à l’Est de celles
explorées la veille.
Mais les efforts n’ont pas été
vains. Pour mon plus grand plaisir, je repère un couloir dans la falaise.
Celui-ci dégringole dans une vallée qui, en serpentant plein Nord, semble me
permettre de sortir du massif montagneux. Confiant, je me lance dans la barre
rocheuse.
Trois couples de condors suivent
ma descente en planant, l’air de rien. La chute ne vient pas et chacun repart
bientôt, déçu par la tournure heureuse des événements. Un pic rocheux attire mon attention au cours de la descente et je réalise que c'est un excellent repère pour trouver le col. Je le nomme "Doigt de Sainte-Anne" car il m'a immédiatement rappelé le fameux relief des Kerguelen.
Doigt de Sainte Anne depuis la vallée d'altitude. |
et celui situé aux Kerguelen (TAAF) |
La vallée d’altitude où je parviens est magnifique et se réveille juste de l’hiver. Les grandes plaques de neige s’éclipsent à regret en laissant une végétation noircie et quelques jours seront encore nécessaires aux mousses et arbrisseaux pour retrouver leur teint chlorophylle. Néanmoins abrité du vent de Sud et son entêtement à frigorifier l’atmosphère, les températures sont déjà très printanières.
L’eau de fonte commence à m’accompagner
en gouttes puis filets d’eau qui se rejoignent dans un petit torrent
grossissant au fil de la vallée. Au loin, je devine une grande étendue d’eau
dans laquelle sa course semble se terminer. Les lacs Lola ?
Impossible de le savoir pour le
moment. Depuis que la ligne de crête a été franchie, j’évolue en effet dans
l’inconnu le plus complet.
Avec l'eau comme seul repère... |
En me frayant un chemin dans la
forêt longeant le premier lac, je pense à cet instant aux indiens Manek'enk qui ne pouvaient qu’apprécier cet éden.
Je m’attendrais presque a croiser
les signes de vie d’ultimes représentants de ce peuple disparu. Ce site semble tellement
à l’abri des malheurs qui frappèrent les populations indigènes lorsque la Terre
de Feu se transforma il y a cent cinquante ans, en perspectives de richesses
pour colons audacieux.
L’endroit est idyllique pour poser la tente mais je souhaite absolument profiter des conditions climatiques pour progresser au maximum et essayer de relever l’axe menant à la baie Aguirre. La vallée est très grande et si la visibilité chute, il deviendra presque impossible de s’orienter.
Malgré la fatigue de cette grosse
journée et après quelques détours dans le labyrinthe des bosquets, je quitte
donc les lacs et progresse dans l’immense vallée (sans nom) en direction de
l’Est.
Lorsque je passe la ligne de
séparation des eaux, l’horizon s’ouvre et je distingue à l’horizon une montagne
beaucoup plus élevée que les autres. Ce ne peut être que le mont Atocha
occupant l’extrémité de la baie Aguirre et devant moi, ce qu’il me faut
parcourir pour la rejoindre.
Rassuré de connaître la direction du lendemain, je trouve un site relativement abrité pour bivouaquer cette nuit. En effet, orientée Est/Ouest, cette grande vallée m'épargne les tempêtes côtières mais n'en reste pas moins un boulevard de vent. Ce soir, en me réchauffant, je repense aux magnifiques lacs Lola. L'axe de progression du lendemain ou une soirée au paradis, je ne pouvais pas tout avoir.
Une grande vallée pour une petite tente. |
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En complément
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Sur l'ethnie Manek'enk (ou Haush) et les autres ethnies fuégiennes disparues.
http://www.argentina-excepcion.com/guide-voyage/archeologie-ethnologie/ethnies-terre-de-feu