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vendredi 16 octobre 2015

Etape 8

1er mars


Le vent s’est levé en fin de nuit, couplé à une baisse du baromètre et un radoucissement qui ne me disent rien de bon. Bref ce matin, je ne sais pas trop à quelle sauce je vais être mangé. Dans le doute, je prépare déjà un petit déjeuner lyophilisé que je déguste le nez en l’air, tentant en pure perte, de comprendre comment les choses ont prévues de s’enchaîner là-haut. La tempête semble finalement me laisser tranquille. Je remballe tout et à 08h15, je sors de mon petit bosquet. En route !



A l’image de la veille, je longe la côte dans les traces des bovins sauvages. Le terrain est humide, se transforme en bourbier dès qu’il n’est pas en pente et est mangé par les bosquets à la moindre ravine. Mais la leçon de la veille a été mémorisée. Je suis beaucoup plus prudent dans mes trajectoires et accomplis désormais de longues reconnaissances sans sac avant de me lancer. Hors de question de m’épuiser à moins d’un kilomètre/heure alors qu’en passant à 20 mètres d’où me guident « Instinct » et « Coup de bol » (les deux amis imaginaires qui m’accompagnent), je peux doubler ma vitesse.

Et oui, une plage !!
Après une heure de progression, je parviens à une très belle plage de sable jaune vif. La bien nommée Playa Dorada avait enchanté mes prédécesseurs et je ne résiste pas mieux à ses charmes. Après des jours de tourbières, de boue et de caillasses, quel plaisir de marcher sur le sable du plus beau spot pour poser un transat au bout du monde.

Playa Dorada !!! 
Abritées sous les arbres, je tombe sur les traces d’un bivouac. Les trois surfeurs de l’expédition Gauchos Del Mar n’ont visiblement pas plus résisté que moi à ce site de rêve. Ils ne doivent pas avoir plus de 48 heures d’avance et les retrouver en baie Aguirre m’enchante déjà. Ce petit feu éteint me rassure également car, malgré mes doutes de la veille, il me prouve que longer la côte est la bonne option. Je repars de la magnifique Playa Dorada aussi ragaillardi que mon baromètre devient optimiste.

Pour remplacer le vent, le soleil à l’heureuse idée de faire son apparition alors que je quitte la plage et de me réchauffer tout l’après midi. Les criques se succèdent et sous ce beau temps, l’iode et les rochers mangés de lichen donnent parfois un air de côte bretonne. Seul le vol des albatros à l’embouchure du canal de Beagle rappelle le changement d’hémisphère.

Colline, ravine, colline.... En me retournant je ne regrette pas d'avoir oublié de compter
Entre chacune de ces petites baies, il me faut cependant remonter dans les tourbières pour contourner les falaises. Sur l’une de ces ascensions, alors que je progresse avec peine dans les buissons épineux, le rire d’un guanaco brise le silence que le sommeil du vent génère. M’observant des hauteurs, il m’apporte la certitude que tous ces animaux s'amusent beaucoup de mon entreprise. Je préfère néanmoins subir cette présence moqueuse aux taureaux dont je croise les premiers spécimens aujourd’hui. Beaucoup moins portée sur l’humour, leur imposante musculature s’éloigne cependant rapidement, pour autant que rien n’entrave un tout droit. Je bénie les quelques décennies de bagualero les ayant persuadés qu’un petit bipède était à éviter.

Dans l’après midi, les monts Campana, Atocha et Pyramide apparaissent à l’horizon. Malheureusement un nouveau relief apparaît à chaque fois que j’en dépasse un et le phare San Gonzalo, marquant l’entrée en baie Aguirre, reste invisible.
Le bivouac du soir se fait d’ailleurs un peu attendre mais je finis par déboucher sur une très belle petite plage de galets, de bois flottés… et malheureusement de tout un bric à brac plastifié. Vous vous rêvez en aventurier découvrant le dernier rivage inexploré de la planète ? Ne soyez pas si prétentieux. Une bouée, une cagette de poisson ou la semelle d’une godasse s’en sont déjà chargées.


Une averse sortie de nulle part vient brutalement accompagner le montage de la tente et doucher l’insouciante sérénité qu’un après midi de soleil avait générée. Elle ne s’éternise pas fort heureusement et la soirée est très agréable. Après le trou d’eau dans la tourbe de la veille, un ruisseau me comble même de son eau claire et j’en profite pour un bon décrassage avant de me pelotonner dans le duvet.
Le vent est tombé et la météo est calme. Demain j’espère arriver baie Aguirre, une soirée à l’opposée du découragement de la veille. Je serais ailleurs, je serais malheureux.

Le flou ?... sûrement la vapeur du lyophilisé fumant !

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