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mercredi 7 octobre 2015

Etape 7



28 février

Réveil avec le jour. Les huit chiots qui avaient occupé la nuit à improviser un concert, deviennent silencieux avec le retour de la lumière… A nous désormais de faire du bruit !
Ramon ravive le feu, met de l’eau sur le poêle et, lorsque la température de l’air et de l’eau atteignent des niveaux confortables, nous sortons des duvets. Plusieurs matés à jeun, c’est un peu rude. Heureusement, le reste de ragoût de la veille apporte du solide dans les intestins avant que l’infusion ne finisse de tout à fait les retourner.
Luis part ensuite chercher les chevaux laissés en liberté pour la nuit. Sitôt mon passage du rio effectué, Ramon rentrera vers sa maison de Rio Grande, Luis retrouvant son rancho principal, Ibarra, où j’étais 3 jours plus tôt. Tout est donc mis en ordre dans le puesto avant le retour du gaucho et de ses chevaux.

En route !

Je doute être le meilleur cavalier du monde, mais j’ai une monture très coopérative qui suit sans broncher celle de Luis. Un relèvement constant sur une souche, un alignement entre 2 branches, le gué est délimité par ces indices laissés par la nature. Elle a dû avoir des regrets après la création de cette rivière et tente de se rattraper comme elle peut.
Malgré les appels de Ramon, quelques chiens insistent pour nous accompagner mais le courant a tôt fait de leur faire explorer l’aval du gué. Les meilleurs nageurs parviennent néanmoins à ressortir sur la même rive que nous. Ils rejoignent les chevaux alors que je remercie chaleureusement Luis pour son aide mais n’ont pas le temps de sécher. Le puestero rentre immédiatement vers son rancho.
Luis n’est en effet pas un homme à s’attarder en effusions inutiles. En soit rien d’original, s’ils sont plus forts, les échanges sous les latitudes compliquées sont aussi plus sobres qu’au sein du dernier salon où l’on cause. Communiquer pour exister n’y est pas utile.
J’apprendrais à mon retour que l’année précédente, Luis a sauvé une jeune russe qui s’était aventurée et perdue dans le secteur en VTT. Le vélo n’a jamais été retrouvé et permettra aux archéologues dans quelques siècles de certifier que la Péninsule était desservie par des pistes cyclables. Iront’ils jusqu’à la comparer avec la région alors engloutie des Pays Bas ? Trouveront-ils également un fragment de ce blog qui leur certifie qu’il existe pourtant quelques nuances différenciant ces 2 régions ?

Merci encore Luis !

Il aura fallu 6 jours après mon départ d’Ushuaïa mais ça y est : Je pénètre en Péninsule Mitre ! … et je sais que le plus dur commence. Vraiment. Mais à nouveau, je progresse vers l’Est et c'est l'essentiel.
En m’éloignant des rives du rio, je traverse une magnifique et très praticable tourbière pour atteindre les contreforts des monts Lucio Lopez. Sur les conseils de Ramon, je grimpe alors et rejoins la « mi-hauteur ». Surplomber les tourbières et la forêt fuégienne sans être trop haut lorsque cela se gâte, voilà le concept.
Après plusieurs heures néanmoins, le parcours qui se fait peut être bien à cheval, se révèle usant pour le piéton que je suis. Sur le versant Sud de ce massif austral, chaque ravine offre, en effet, un abri au vent et chacune est synonyme d’une traversée de bosquet ou d’un épuisant dénivelé pour la contourner.

Derniers regards sur la baie Sloggett

La météo étant stable, j’hésite donc vraiment à rejoindre les crêtes minérales mais mes illustres prédécesseurs sont tous passés en longeant la côte et je me rallie finalement à cette initiative. Je ne suis pas là pour innover, juste essayer de passer. En redescendant d’un étage, je retrouve les traces de bovins sauvages. Celles-ci ont le bon goût d’aplatir ces immenses graminées dissimulant le sol sous un bon mètre de végétation. Je perds en revanche de vue la baie Sloggett et en attendant la baie Aguirre, je croise mon premier guanaco. Curieux dans un premier temps, il s’enfuit néanmoins avec la légèreté moqueuse de celui qui n’a pas de sac, mais 4 pattes. D’une corniche, il continue néanmoins de se moquer avec son cri caractéristique et très semblable à un rire d’enfant !

Vous présente Moqueur !

La journée s’écoule dans un déploiement d’efforts invraisemblables à chaque bosquet et pataugeoire et je n’ai vraiment pas l’impression d’avancer dur. En milieu d’après midi, je suis vidé. La lucidité commençant à s’évaporer, les conneries apparaissent, les erreurs de trajectoire s’accumulent, jamais impunies. A 5 mètres près en effet sur ce terrain épouvantable, soit on passe et tout va bien jusqu’au relief suivant, soit on choisi mal et là….
Au choix dans le catalogue du Bonheur :
- 10 minutes plus tard, on patauge entouré de sols secs qu’on ne peut désormais plus rejoindre, mais qui sont bien décidés à nous narguer.
- Soit on peut sortir la machette et la prochaine heure se passera à batailler pour passer 50m de bosquets.
- Soit enfin on débouche sur une plage et on se félicite du choix de route… pour le maudire à l’autre bout lorsqu’on se retrouve au pied d’une falaise infranchissable. On réalise alors qu’il faut faire demi-tour, remonter en altitude et traverser quand même la tourbière ou les bosquets que cette plage permettait d’éviter. Je ne m’attarde pas sur le dépit que le visage arbore alors.


En zoomant un peu, voici le chemin sur 500 mètres.
Dans une énième galère le long d’une ravine, un couple de condors apparaît et se met lentement à planer au-dessus de ma tête. L’attente de l’accident ? Réalisant que je suis complètement dans le rouge et que ces charognards le sentent, je décide de m’arrêter dès que le terrain le permettra ce qui veut dire que c’est chose faite… une heure plus tard sur une terrasse abritée de quelques arbres. Il est 18h30, une journée éreintante s’achève et j’espère que la progression sera plus facile les jours suivants. Je ne sais pas comment Gargiulo et ses 2 camarades ont pu progresser aussi vite là-dedans. Je sais en tout cas qu’il va falloir sérieusement revoir ma méthode. Les gauchos m’ont tous dit d’aller « Doucement où tu n’iras nulle part ».

bivouac


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