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lundi 4 mai 2015

Etape 4 : Arrivée en baie Sloggett

25 février



Réveil sous un beau soleil et d’excellente humeur !
Je ne traîne pas pour préparer les affaires et direction le cours d’eau, le dernier traversé la veille pour rejoindre le rancho Ibarra. Ce matin, je ne passe pas sur l’autre rive car, pour progresser, il me suffit de suivre ce couloir de flotte qui s’enfonce dans la forêt. Peu profond, celui-ci offre un excellent chemin et une petite heure plus tard, je retrouve la côte et ses plages noires.
La marée est haute malheureusement. Sitôt retrouvé, il me faut donc déjà quitter le sable pour remonter en forêt. Cependant des années de bagualeo (cf. lexique "Etape 1" ou le National Geographic de mai 2015) ont laissé de grands sillons de boue et la progression se déroule finalement sans trop de difficulté.
Si je peste à chaque fois qu’une succion plus importante noie mes chevilles, c’est juste qu’il faut bien se trouver une raison de râler...

au fond, la passe de la Pyramide

A la mi-journée, la mer a commencé à se retirer et me laisser une autoroute de galets sur laquelle sèchent de grandes quantités de laminaires (Laminaria). Sitôt passé et fortiche, sans glisser, je pose le sac et sors les 300 kcal de la barre énergétique Adventure Food. La pause méridienne, ce sera là !
Je précise que l’odeur des algues n’y est pour rien, c’est juste qu’il est grand temps. J’arrive en effet à la passe de la Pyramide ! Enfin du moins c’est comme cela que je nomme ce passage longeant une colline si caractéristique. De l’autre côté du col, je me rappelle que c’est la baie Sloggett et donc l’entrée en Péninsule Mitre. Dans un sens, on pourrait dire que l’expédition commence maintenant.

Arrivé au plateau, la vue est toujours aussi saisissante. Les grandes tourbières de la baie Sloggett, les monts Lucio Lopez et au loin les contours des monts Atocha, Campana et Pyramide. L’entrée dans un autre monde, sauvage, auquel un petit bipède et son gros sac ne sont pas forcément les éléments les plus adaptés.
Tout au long de la progression vers l’intérieur de la baie, les couleurs de la tourbière arborée sont fantastiques, peut être pour faire oublier un peu que les monts Lucio Lopez ne se rapprochent pas bien vite. Un point orange mobile attire soudain mon attention. Il n’est visible qu' une petite seconde avant de disparaître dans la végétation mais cette fausse note dans l'harmonie sauvage m'a sauté aux yeux. Les gauchos fixent parfois dans les arbres les bouées que l'océan recrache même ici en abondance. Ces boules de plastique colorées sont de véritables cairns adaptés à la végétation qui masque tout, comme elles l'étaient dans une autre vie, pour retrouver des lignes perdues dans la houle du grand Sud.
Mais là, le déplacement n'est pas lié à la mélodie du vent qui oriente ici jusqu'à la croissance des arbres et le regard des chevaux sauvages. Non là comme moi, c'est forcément une pièce rapportée. 
J’ai la réponse un gros quart d’heure plus tard en rencontrant Manual et sa monture chargée de viande. Alors que je le salue, la conversation débute par un « Ah tu es Paul, le français ! »….
Même si la propagation des nouvelles dans un coin isolé est souvent d’une efficacité bluffante, je reste quand même un peu con, là.
Manual m’explique qu’il a croisé 2 jours plus tôt Sergio Anselmino guidant l’expédition « Gauchos del Mar ». Sergio lui a parlé de moi et logiquement, il en a déduit que ce marcheur ne pouvait pas être une autre personne. Bah oui c’est évident !



Il fait de réels efforts pour être compris, ce que j’apprécie et nous discutons donc un peu.
Manual n’est pas un gaucho permanent, il rentre vers la Prefectura Moat après avoir attrapé un jeune bovin dépecé sur place. Il prévoit d’y être dans deux jours en fonction de la météo… Aaah le bonheur de tout faire porter par un cheval. Enfin non, pas tout. Le holster est à l’épaule en cas de nez à truffe « surprise » avec un taureau me dit-il. Après cet échange de nouvelles, chacun reprend sa route.

Plus loin, je ne m’attarde pas au rancho du chercheur d’or puisque Manual m’a dit qu’il était sans doute parti vers la rivière. Je vous l’ai dit, tout se sait dans ce coin du monde !


Au pied des falaises de la baie Sloggett, le voilier polaire Nashachata repose toujours là, meurtri par les déferlantes australes depuis son échouement le 13 décembre 2010. Nous étions descendus le voir en 2012 et aujourd’hui, même de loin, la situation semble identique à cette photo d’alors.


Une dernière et interminable traversée de tourbière et j’arrive au rancho/refuge de la baie Sloggett. La pluie arrive aussi d’ailleurs et je monte donc rapidement la tente sous les gouttes. Une fois les affaires à l’abri je vais rendre visite au rio Lopez : « S’il te plaît, demain laisse-moi passer ».

Ce soir, quelques dauphins croisent dans la baie calme et pluvieuse. Je suis arrivé au bout du monde, il me reste à y entrer.


rancho de la baie Sloggett

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