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mercredi 29 juillet 2015

Etape 5

26 février

Les méandres et demi-tours du rio Lopez au milieu des tourbières. Embouchure et son courant visiblent du ciel.  

Ce matin, une nouvelle tempête balaie les restes d’une nuit légèrement pluvieuse. Le vent est glacial et ses bourrasques amènent grêle ou pluie horizontale. Un choix classique proposé par le ciel au grand Sud… et à celui qui s’y réveille. C’est la deuxième en 5 jours mais après tout, autant économiser le capital de météo favorable pour les jours où le terrain sera vraiment difficile et le corps diminué.

Vue depuis le rancho de la baie Sloggett.

Il est illusoire d’espérer progresser sous de pareils éléments mais la proximité du rancho de la baie Sloggett me permet de bénéficier d’un abri pour faire sécher et reconfigurer mon sac. J’applique en cela les mêmes principes que la faune locale et j’imagine qu’à cette heure, il y a foule dans les bosquets et les arbres creux. Une foule qui attend patiemment que le ciel se calme.
De mon côté, l’attente s’organise toujours selon trois axes : se débarrasser du maximum d’humidité et manger. Lorsque ces 2 premiers points sont assurés et que mes fréquents coups d’œil vers le ciel n’ont aucune influence sur la météo, je mets à jour mes notes en m’efforçant de pas me refroidir. En cela, quelques réguliers pas d’une sorte de danse du Soleil à base de flexions, pompes et autres claques sur les épaules sont très efficaces.

La dépression s'éloigne. 

Le déluge se calme vers 14h et je me mets aussitôt en route à la recherche d’un passage à travers le rio Lopez. Les dernières averses disparaissent et le soleil fait même son apparition. Le vent, glacial, est cependant resté relativement fort (environ 35/40 nds). Afin de progresser rapidement le long de la rivière, je pose mon sac à l’abri d’un petit bosquet. Celui-ci devient en effet une voile bien inconfortable lorsque les méandres du rio Lopez m’orientent travers aux rafales.

La physionomie de la rivière est très différente de celle rencontrée lors de la reconnaissance effectuée trois ans plus tôt. Au retour de cette dernière, la mauvaise réputation du rio m’avait alors semblé exagérée. Le beau temps dont nous avions bénéficié les jours précédents, n’était alors, sans doute, pas étranger au faible niveau d'eau rencontré. Cette année c’est différent. Partout le courant est fort, la rivière est profonde et malsaine. De nombreuses branches ressortent me laissant imaginer tous les pièges arborés qui, tapis dans cette eau sombre, rêvent déjà de m’entraîner au fond. Ce cours d’eau ne fait parfois pas plus d’une dizaine de mètres et pourtant il fait peur. La porte d’accès à la péninsule Mitre semble vraiment avoir été conçue pour noyer.

Après une bonne heure d’essais infructueux, j’entends les aboiements d’un chien vers lesquels je m’oriente aussitôt. Qui dit chien, dit forcément gaucho ou alors eux aussi sont retournés à l’état sauvage… Je parviens ainsi à un rancho dont j’ignorais totalement l’existence !
Le chien, apeuré, reste lui aussi à distance.
Mais ce qui me réjouit le plus, c’est de voir ces braises qui m’assurent que le rancho était occupé la nuit dernière. Le chercheur d’or, le deuxième gaucho de la péninsule ? La veille, Manual m’a dit qu’ils étaient tous deux dans le coin mais je me méfie du « dans le coin »… Celui-ci en effet, n’a pas forcément la même signification lorsque l’on se déplace à cheval dans une région où avoir vu quelqu’un la semaine précédente, signifie qu’on l’a croisé « depuis peu ».

Cheval sauvage me narguant sur la rive opposée.

Sur la rive opposée au rancho, des traces de chevaux attestent de la présence d’un gué. Le courant semble moins fort mais là encore je dois renoncer. Quittant le rancho, je rebrousse alors chemin vers la plage. J’espère en effet profiter de la marée basse pour une dernière tentative par l’embouchure du rio Lopez.
Malheureusement les rouleaux générés par la tempête m’interdisent tout passage. Ravinant la plage dont ils blanchissent le sable noir, seule la mousse qu’ils génèrent passera de l’autre côté aujourd’hui.
A ce moment, le vent se lève brutalement sur la plage et, en quelques instants, je me retrouve pris dans une véritable tempête de sable. Les 50 mètres me séparant de l’ancienne barge aurifère ne sont pas faciles à couvrir mais je parviens à m’abriter comme je peux au pied des grandes cloisons rouillées et des troncs de bois flotté qu’elle a rassemblé autour d’elle. Le sable fait tinter la grande structure métallique, le vent violent assurant le chant. Recroquevillé, je n’ai plus qu’à attendre la fin de cet éphémère et brutal phénomène météo. Un de plus...

C’est donc couvert de sable que je rejoins ce soir-là la zone de bivouac….. de la veille. Il faudra réessayer demain.

La barge aurifère de la baie Sloggett.

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